La scène se déroule au belvédère, en une fin d’après-midi. Le ciel est colorée de teintes irisées. LUKE est assis sur un banc, face au soleil couchant, guitare entre les mains. Il gratte les cordes sans réelle conviction. Il porte un sweater à capuche serré sans manche, entièrement noir, dont seul le motif d’une rose grisâtre est visible entre ses omoplates. Son pantalon est en jean, rapiécé et trop court, si bien que ses mollets nus contrastent avec la couleur de ses chaussures blanches à lacets.

LUKE, d'une voix calme : « Me revoici au Belvédère, seulement deux jours après les aventures de cette nuit si particulière. Lune rousse, je me souviens de la caresse de tes rayons et du rêve étrange que j’ai parcouru sous ton emprise. Désormais, alors que je regarde le soleil mourir ici-bas et s’écraser derrière la vallée, je ne puis m’empêcher de repenser à ce que mon esprit a construit. Le doute s’est instillé dans mon esprit et il est plus fort que je ne pouvais l’imaginer. Il regarde en direction de la rambarde. J’étais là, je sais que j’y ai pensé, mais je m’y suis résigné. Le temps change les peines et effacent les rêves, j’inverse l’expression pour l’occasion. Il tapote tendrement sa guitare. Ô ma guitare, toi tu es toujours là, auprès de moi. Tu es ma dernière ancre avant que je ne sombre, une bouée de sauvetage jetée à la mer pour encercler mon corps frigorifié et le sauver des flots. Que ferais-je sans toi ? Ses mains caressent les cordes. Je n’ai plus joué depuis plusieurs jours, mes doigts fourmillent à l’idée de retrouver leurs crins, d’à nouveau créer et donner vie à des mélodies singulières. On ne pourra m’enlever cette part de moi j’imagine, qui persiste dans sa splendeur et sa douleur à me coller à la peau. Un rictus se dessine sur ses lèvres, puis il se met à jouer et chanter un morceau.


Je crois que cette ville est pour moi un nouveau départ, il n’est que de moi d’en saisir l’opportunité. Maintenant que je suis libre, que plus aucune chaîne ne retient mes poignées, je puis choisir mon destin et construire mon avenir. Je puis de nouveau ressentir, laisser mon cœur battre la chamade et diriger mon âme. Rien n’est assez cher pour s’acheter sa liberté. »

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ASEN, dissimulé derrière des buissons, s’approche vêtu de son grand manteau de la rambarde. Il ignore LUKE qui est toujours assis, les pieds en contrebas. Ses doigts jouent une balade tranquille et apaisante, en accord avec l’aspect de la tombée de la nuit.


« Cette mélodie me rappelle un temps ancien, que certains jours je préférerai effacer de ma mémoire à jamais. J’étais jeune, naïf, la tête désireuse emplie de moult rêves aux couleurs inégalables. Un frisson parcourt son échine et la courbe de son dos. Je le ressens, présentement, à quelques pas de moi. Une aura, mais je ne crains être incapable d’en distinguer les nuances. Il faut croire que renier ma condition de démon ne me permet plus d’individualiser un divin lorsque mon chemin croise le sien. Mes sens sont parasités par des sensations étranges, c’est comme si je ne percevais plus la lumière et les ténèbres lorsqu’ils éclatent dans toute leur pureté. Il soupire. Ceci justifie les raisons pour laquelle mon aura n’a pas reconnu complètement celle d’ALIZEE, ma tendre démone pourtant si chère à mon cœur. Il jette un regard rapide sur le côté. Un homme, d’une grandeur notable, se tient auprès de moi. Il porte un manteau noir qui semble absorber son corps dans une chape d’ombre. Que fait-il là au même moment que moi ? Coïncidence à peine imaginable si vous souhaitez connaître mes intentions. Ses cheveux sont d’une pâleur rappelant la lumière du petit matin, une teinte douce comme la soie. Si je devais en juger sur mes premières intentions, cet homme est un ange, cherchant vainement à dissimuler sa nature. Puisqu’il m’ignore, je peux en faire de même, mais son aura est puissante, intimidante, elle attire irrémédiablement la mienne. Il essaie de rappeler son aura à lui. Contient toi donc vile harpie, ne vois-tu pas que j’essaie de t’enfermer ? Serais-tu aussi vive et brûlante que ton propriétaire, pour ne point m’obéir devant le premier divin venu ? Sacrediable, je dois me concentrer, d’harmoniser cette entité sauvage avant d’attirer l’attention. Il se concentre à nouveau sur sa guitare et retourne à son chant.



Mon aura m’entoure à nouveau désormais, comme une partition enserre son pupitre. Elle me rappelle que je n’ai plus écris depuis si longtemps...»

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ASEN est désormais un peu plus proche de LUKE, qui continue de gratter les cordes de sa guitare et de battre le rythme depuis ses jambes, pendues au-dessus du vide.

« Je le sens, il se rapproche de moi, mais son aura très vite disparaît de mes radars. Elle s’évapore, quitte l’enceinte même de mon esprit et me libère de son attirance maléfique. Le divin maîtrise à la perfection cette émanation qui est la sienne, si bien qu’il me faut me concentrer de tout mon être pour continuer de percevoir un faible signal, si faible que par moment je crois le créer de toutes pièces depuis les rouages de mon esprit. Le vent se lève, une fine brise qui fait frissonner mon corps et replace les mèches de mes cheveux. Les bijoux qui ornent mes oreilles tremblent et s’agitent, tandis que je lève mes yeux vers le ciel. La voûte est splendide, et je pourrais perdre des heures à m’en contenter, à ignorer le temps qui s’écoule et les saisons qui s’intercalent juste pour contempler un plafond d’orange, de rose, et bientôt de bleu nuit. Quand soudain, une voix me tire de mes songes. C’est une voix grave, à la fois douce et ferme, qui semble dissimuler bien des secrets. Je ne saurais en tirer de la malice ou de la curiosité, mais une main tendue ne peut se refuser pour engager la conversation.

LUKE se tourne un instant vers ASEN. Il le détaille de la tête aux pieds, puis un léger sourire vient déguiser ses lèvres. Il se remet face à la ville en contre-bas.

« En effet. Cette nuit s’annonce comme salvatrice pour les pensées. J’imagine que le belvédère est un lieu propice aux âmes égarées ? »

LUKE attend quelques instants en silence. En l’absence de réponse, il retourne à sa guitare.


Je perçois mal ses intentions, mais j’imagine qu’il est venu chercher en cet endroit le repos et le calme qu’il abrite. Parler n’est dès lors qu’un subterfuge pour ne laisser le malaise guetter depuis sa tanière. Peut être seront-ce les seules paroles que j’entendrais de la part de ce mystérieux inconnu au manteau noir comme la nuit ? »

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ASEN est désormais tout proche de LUKE, à une portée de main à peine de son corps frêle. LUKE désormais ne joue plus, il garde le regard tendu vers le ciel, à la recherche des étoiles naissantes.

LUKE : « Le divin marque un très juste point. Suis-je égaré ? La réponse ne m’apparaît pas comme évidente et pourtant elle ne me semble que s’imposer à mon esprit. Oui, je suis égaré, j’ai perdu le chemin qui devait me mener je ne sais où, là où celui que j’appelais Créateur voulait me trouver. J’ai renié mes racines, j’ai nié mon passé, je n’ai gardé qu’une part de ce que je chérissais pour me reconstruire pièce après pièce et donner vie à une formidable machine. Je n’ai jamais autant trouvé ma placé et exercé ma liberté depuis que je me suis écarté du chemin. Pour porter des mots plus justes, j’irais même jusqu’à affirmer que m’égarer m’a permis de me retrouver. Que fuir ces sentiers tout tracés depuis des siècles par les pas de mes ancêtres pour fouler l’herbe haute et sauvage des forêts mystérieuse ; ces sensations m’ont donné vie, m’ont fait renaître de mes cendres pour gagner une place. Mais je ne suis qu’une chrysalide, mon éclosion n’est point achevée. J’ai encore un long chemin à faire avant de trouver la véritable liberté. Celle pour laquelle je me suis battue et vers laquelle je tends mes bras pour l’enlacer. Ma liberté. »

LUKE est surpris par le contact mais ne sursaute point. Il se tourne lentement, relève la tête pour percevoir celle du divin, visage mêlant confusion et intérêt.

LUKE, curieux, à ASEN : « C’est aimable à vous de s’inquiéter, mais je ne prévoyais pas de me laisser tomber dans le vide. Il descend de la rambarde en riant et enfile sa guitare en bandoulière dans le dos. Pour répondre à votre question, je ne suis pas perdu. Au contraire, j’ai trouvé le chemin que je souhaitais suivre. Après un instant. Et vous ? Je n’imagine pas un instant que vous soyez du genre à perdre de vue votre objectif, me tromperais-je ? »

LUKE se tourne, dos à la rambarde et à la ville en contrebas. Son regard est braqué sur ASEN.  

LUKE : « Désormais tu as piqué ma curiosité, mystérieux divin. Je connais peu d’âmes ici-bas enclines à converser avec des êtres de ma race. Les déchus souvent rebutent, dégoûtent, laissent un goût amer sur le creux de la langue. Devrais-je avoir peur, sentir la crainte se glisser dans mes veines et vriller mes tympans pour me sommer de fuir ? Probablement. Cependant, je ne crains plus rien, si ce n’est de perdre ma liberté à jamais. Alors si je dois croiser le chemin d’une personne souhaitant me nuire, je saurais improviser. La dégaine d’ange que tu te plais à arborer me laisse croire que es impressionnant, mais inoffensif. De toute façon, si tu voulais déjà me faire du mal, tu l’aurais fait, net, sans bavure. Alors réponds moi dès à présent, et voyons qui tu es. »

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La nuit est entièrement tombée, LUKE est toujours tourné vers ASEN, dont le manteau est soulevé par les vents du soir.

LUKE, décontenancé : « M’interroge-t-il véritablement sur le chemin que j’ai choisi de suivre ? Je n’imaginais pas les inconnus si inclinés à connaître les secrets de chacun, mais je crois avoir compris que désormais l’on ne parvient plus à ne se mêler que des affaires. Je sais bien que cette question n’est que des plus banales et qu’elle satisfait très certainement la curiosité avide de ce divin. Mais je sais en lui comme un tourment, et je pourrais parier sur des biens que je ne possède plus, qu’une pointe de mépris suinte de ses lèvres. Elle est à peine visible, une tâche d’encre sur un canevas de soie blanche. Mais elle est là. Cependant, je suis un être profondément charmant de nature, et le mépris ne m’atteint guère, au contraire. Si ce n’est du mépris, est-ce vraiment de l’intérêt véritable porté à mon encontre ? Je l’espère. Car malgré le danger qui émane de cet homme tout de noir vêtu, j’ai comme la sensation étrange que je ne risque rien. Du moins, je ne risque rien ici et maintenant. Car toi, divin mystérieux, tu sais ce que tu fais, tu sais où tu vas, et la détermination qui transpire depuis ton regard suffit à me convaincre que ton chemin est tout tracé. Tu es fais pour réussir là où les autres ont échoué, et je ne prononce par ces mots par admiration pour toi. Je pense qu’il s’agit d’un fait, véritable, indéniable. Tu es plus grand que tu ne l’es et tu dois très certainement aspirer à plus haute encore. Le succès est à tes pieds, il ne te reste qu’à le ramasser. »

LUKE se redresse un peu, étirant ses muscles endoloris. Son sourire ne faiblit pas.

LUKE, à ASEN, d’une voix douce et moqueuse : « Quel est-il du chemin que j’ai choisi ? C’est très simple, je veille nuits et jours à éviter les chemins vers lesquels l’on souhaiterait me pousser. Je n’ai plus rien à prendre, si ce n’est ma liberté. Oui, c’est peut-être cela mon chemin, celui qui me mène à ma liberté. Il se tait, ses lèvres sont un peu plus étirées, ses yeux toujours aussi braqués sur ASEN. Quant à vous, vous êtes si sûr de vous, je vous envie sur ce point. J’imagine que vous savez exactement ce que vous voulez. Peut-être même l’avez-vous déjà trouvé, auquel cas vous m’en voyez satisfait. »

LUKE se relève, et marche en direction d’ASEN. Il s’arrête à une distance respectable, mais un peu plus proche que précédemment. Il lève lentement sa main puis la rétracte.

LUKE, étrange, frissonnant : « Je ressens son aura vibrer si fort que de mes doigts je pourrais la toucher. Je ne sais où elle est, mais je la sens, quelque part en lui. Si seulement je pouvais contrôler avec une telle finesse la mienne. Depuis ma déchéance, j’ai l’impression qu’un drap sale me colle à la peau. Un exosquelette étranger, qui me suit partout où je vais et ne peut jamais se décrocher. J’ai encore beaucoup de mal à l’apprivoiser. Parfois, je ne la contrôle pas, comme présentement, et je la sens chercher l’aura du divin. Elle résonne dans ma tête, bat dans mon cœur à un rythme qui n’est pas le mien. C’est une main, qui se tend vers des rideaux pour les entrouvrir, laisser un fin filet d’air se faufiler dans la maison. Des frissons parcours mon corps tandis que mon aura devient réceptacle, s’ouvre à l’autre, se dit prête à accueillir. La maison est chaleureuse, même si par endroit la décoration laisse à désirer, comme si tout n’était pas terminé, et qu’il manquait des coups de pinceaux ou que des cadres étaient de travers. Il suffirait d’une main pour tout réparer, une autre main que la mienne. Mon thorax est grand ouvert et je retiens presque mon souffle par anticipation. J’ai l’impression de faire face à une bête cachée dans les montagnes. À la moindre inattention, elle pourrait m’avaler tout entier. Mais au fond de moi, quelque chose qui ne m’appartient pas prend le dessus. Mon aura cherche, et je ne puis la contredire. S’il s’approche un peu, peut-être risquerais-je ma vie ? »

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LUKE continue de frissonner, tant qu’il porte ses mains contre ses bras, frottant par moment pour se réchauffer. Pourtant, le vent ne s’est pas levé. ASEN est désormais plus proche de lui, le surplombant de sa hauteur.

LUKE, lâchant un soupire de surprise, puis tremblant : « Je sens ton âme s’infiltrer en moi, glisser le long de ma peau et s’emparer des brèches pour sonder mon être. Une sensation si étrange, que je ne pourrais ni qualifier d’agréable, ni de désagréable. C’est indécent à quel point il m’est difficile de porter sur ce que je ressens des mots clairs et détaillés comme l’onde pure d’un ruisseau sauvage. Ton âme vibre, d’une puissance incroyable, elle est si confiante, affamée, prédatrice. Pourtant, je ne peux la repousser, mon corps tout entier me supplie de l’embrasser, de la laisser m’étreindre et me posséder. Mais, une part de moi refuse de s’asservir, et très vite les deux chatons qui se reposaient dans leur tanière se jettent l’un sur l’autre, coussinets désarmés, ils roulent le long du corridor, miaulent, se déchaînent en filant à toute allure jusqu’à tourner plusieurs fois sans but autour du pied de la table. Si bien qu’au bout de quelques instants, on ne sait plus vraiment quel chat courre après l’autre. Il frissonne. J’ai si froid, je me sens vulnérable, la mélodie de ce vent salvateur me berce comme il réaffirme mon éveil. Et soudain elle se détache de moi. Je retiens ma propre aura de partir avec elle en abandonnant mon corps. Mes épaules s’abaissent, tandis qu’un soupire tremblant, fébrile, quitte mes lèvres presque bleues désormais. La maison est redevenue vite, les rideaux ont été fermés. Mais autour de la table le petit chaton semble déboussolé. Il ne gémit pas, mais son museau renifle à la recherche de son compagnon de jeu disparu. »

LUKE essaie à nouveau de se réchauffer en frottant ses bras, puis il retourne au calme. Il observe ASEN s’approcher de lui. Son visage auparavant étrange revêt le masque de la mesquinerie, pour cacher certainement ses vraies émotions.

LUKE, à ASEN, sûr de lui, mais que la voix finement défaillante trahit : « Si tu étais un vrai gentleman, tu prêterais ton manteau à ce pauvre jeune homme naïf qui meurt de froid. Il arque un sourcil. Je suis persuadé que derrière ton regard de glace se cache le cœur d’un parfait gentilhomme. »

LUKE passe une main dans ses cheveux et replace ses mèches d’or derrière ses oreilles. Il porte une main à son pantalon, à la recherche d’une sucette, mais ne trouve qu’un papier vide qu’il laisse tomber par-terre.

LUKE, amusé : « Et je suis persuadé que derrière ces yeux azur se dissimulent bien d’autres espoirs et rêves secrets dont personne d’autre que toi n’a les ficelles. Ton esprit semble vif, affûté, prêt à bondir tel un félin sur une souris indiscrète. Tu n’es pas un gentleman, la preuve étant que tu as préféré omettre de me demander l’autorisation de me tutoyer, préférant franchir un cap sans même m’inclure dans le projet. J’imagine que tu n’es pas du genre à patienter. »  

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ASEN s’est encore rapproché. Si proche que depuis la distance, il est impossible de distinguer où terminent ses traits et où commencent ceux de LUKE.

LUKE, déçu : « C’est donc ainsi que le mystérieux et sombre divin assuré me refuse le manteau désiré. Quelle cruauté, quelle ignominie, il maltraite ma pauvre âme et mon corps endolori. Je t’imaginais un brin plus joueur mais peut-être espère tu me faire languir pour mieux me chasser ? Les chats sont connus pour tourmenter leurs proies avant de leur ôter la vie, et c’est certainement ce désir animal qui t’anime. Après tout, rien ne m’assure que tu ne choisiras pas de me tordre le cou l’instant où je serais assez fou pour le laisser à portée de tes mains. Si ce n’est déjà trop tard. Tu es si proche de moi désormais que je ressens presque les plis de ta fourure frotter mes vêtements. Si je me concentre, je peux, je perçois contre la peau de mes bras nus les effluves de ton souffle à travers la brume. Amuse toi à te moquer de moi et de mes manies excentriques. De toute façon, la prochaine fois, j’oublierais à coup sûr ma leçon, et le froid tiraillera mon corps sensible. »

La proximité d’ASEN ne laisse pas indifférente LUKE, dont le sourire s’étire à chaque centimètre qui le rapproche de lui. Un petit rire échappe ses lèvres.

LUKE, amusé : « Sacrediable, l’ironie du sort frappe à nouveau. Le chat, après s’être amusé à pourchasser mon aura et à créer ses frissons qui me démangent, se positionne sur son perchoir, et scrute mes gestes avec attention, patientant le moment où je ferais le faux pas pour bondir sur moi et m’éliminer. Des méthodes outrageuses que je ne puis pas même oser développer, que dévoilent les lèvres du divin qui se tient tellement proche de moi qu’en levant le bras, il pourrait soit m’enlacer, soit m’étrangler, ou probablement un peu des deux à la fois. La suggestion, aussi honteuse soit-elle, n’est pas un moyen de se réchauffer C’est un brin orgeuilleux si tu veux mon avis, que de te croire capable d’un tel pouvoir sur un être dont tu ne connais rien si ce n’est la nature Je t’accorde pour la forme un bon point pour avoir essayé, c’est au moins ce que je peux faire. »

LUKE tremble toujours, ses yeux envient le manteau d’ASEN. Il ne bouge pas, mais laisse son aura s’échapper de ses pores pour l’entourer, tout en luttant pour ne pas être aspiré auprès de l'autre. Son expression est toujours moqueuse.

LUKE, à ASEN, sur un ton rieur : « Toi qui semble si sûr de toi, quel nom me donnerais-tu ? Moi, je pense que l’on t’a attribué un nom court avec des sonorités marquantes. Oui, quelque chose comme Blaise ou Dante, cela t’irait à merveille. »

LUKE rit, ses yeux se plissent sous l’effet. Ses mains relève la capuche de son haut contre sa tête, laissant des longues mèches or dépasser par endroit et couvrir son regard hétérochromatique.  

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ASEN marche lentement, tournant autour de LUKE comme un vampire autour de son repas de minuit. Son aura recouvre leurs deux corps et les protège du vent frais de la nuit.

LUKE, frissonnant : « Je te sens raffermir ton emprise, peu à peu isoler mon être de mon entourage, comme pour à jamais faire taire les sons qui pourrait s’échapper de ma gorge si jamais tu te jetais sur moi pour m’étrangler. Pris au piège par une force maléfique, mes chances d’échapper à ton jugement se raréfient, disparaissent en un courant d’air. Les frissons continuent de parcourir mon corps, mais je ne saurais rendre coupable le climat nocturne de la ville ou tes agissements sournois. Je me sens vulnérable, exposé, entre les griffes machiavéliques d’un monstre à l’apparence d’un ange. Pourtant, une part de moi ne semble pas rechigner, bien au contraire, elle se délecte de cette extase grandissante, s’amuse même en lui riant au visage pour la provoquer et déchaîner les tourments. Suis-je devenu fou, inconscient ou pire encore, si avide que mes ailes se brûlent ? »

LUKE observe ASEN se dévêtir de son manteau. Ses yeux pétillent tandis qu’il s’en empare et l’enfile par dessus sa fine carrure.

LUKE, rasséréné : « Divine chaleur, je te retrouve enfin, ce manteau est un cadeau tombé du ciel. Alors que je passe ma main contre le tissu, je savoure sa texture agréable et sa douceur enivrante. Il me réchauffe et transmet rapidement dans tout mon corps une sensation diffuse, rappelant la joie grisante de retrouver l’hospitalité de son lit après une journée à affronter le froid. Il est grand, bien trop grand pour moi, ses pans tombent jusqu’au bout de mes cuisses. Je pourrais m’enrouler en lui et m’en servir pour passer la nuit. Puis rapidement, un odeur vient chatouiller mes narines, une odeur que je ne reconnais pas, mais que j’identifie comme humaine. Je me laisse emporter par elle, inspirant profondément à plusieurs reprise pour la laisser accommoder mes sens. Ainsi, les anges aussi ont une odeur, ce qui est surprenant. J’ai souvent imaginé ces êtres si coincés que leur corps se refusait à produire la moindre sueur. Quel dommage, je ne place pas une pièce sur leur survie lors de canicule. En tout cas, il semble que j’avais tort. Car ce divin présentement a une odeur, qui n’est pas désagréable si je puis ajouter. Malheureusement, mon nez fin s’y habitue rapidement, et déjà elle cesse de me bercer. Pendant ce temps, l’homme s’est exprimé, et je découvre avec beaucoup de surprise ce nom si singulier : ASTOR. Il ne me plaît pas. »

LUKE affiche une moue joueuse, tandis qu’il referme le manteau sur lui, pour s’abriter complètement. Défaisant sa capuche désormais inutile, ses longues mèches blondes glissent sur la fourrure noire. Les mains de LUKE se cachent dans les poches de la veste, n’y trouvant rien d’intéressant avec lequel jouer.

LUKE, malicieux : « ASTOR, j’ai beau me le répéter plusieurs fois, j’ai comme le sentiment qu’il ne te convient pas. Je regrette sincèrement mes propositions, mais qui suis-je pour faire le difficile sur un prénom ? Il marque une pause, yeux étincelant de malice. Moi, c’est LUKE. À toi de me dire si ce prénom me correspond ou non. »

LUKE lève la tête pour observer la lune faire son apparition derrière le ciel couvert. Son aura est collé contre lui, comme une seconde peau, et vibre en harmonie avec celle d’ASEN.

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Le regard de LUKE est perdu dans le ciel, puis très rapidement se repose sur ASEN, qui ne dévie pas les yeux. Il ne frissonne plus.

LUKE, yeux pétillants : « Ce monde paraît presque tiré d’un songe, ce moment suspendu entre le passé et le futur sans jamais rejoindre le présent. En tournant la tête, je peux percevoir les ombres de la nuit se mêler aux halos de la Lune, valsant sur un rythme insonore mais pourtant endiablé. Elles glissent le long des pierres de la montagne et se reflètent sur les murs des habitations en contrebas. C’est à croire que dans un monde où tout va si vite, lorsque le temps s’arrête j’en pers mes repères. Cette ville semble étirer le fil du temps dans sa longueur, l’affiner d’une lame aiguisée et le décaper de ses atours. J’inspire profondément, me laissant bercer par la douceur du manteau. Je désirerais presque le conserver tant il me sied, si ce n’est la sensation étrange de danger qui s’échappe de son propriétaire. Je le crains et pourrais lui confier ma vie à la fois. Évidemment, je ne suis pas empreint de folie, et ne me jette pas dans les crocs du tigre, je réserve mon attitude et tente de comprendre cet individu des plus mystérieux. Son silence est pesant, il me dérange, je n’arrive pas à déterminer si c’est dans sa nature de clore ses lèvres si longtemps, ou s’il joue avec ma patience et pèse ses mots avec intelligence. Mon aura électrique est observée, chaque mouvement traqué par les yeux félins de la sienne. Un lion tournant en cage, s’amusant avec sa victime avant de la dévorer, ou un chat affectueux n’attendant qu’un signal pour se frotter contre une peau découverte. »

LUKE soutient le regard d’ASEN, un sourire malicieux toujours sur ses lèvres. Il arque un sourcil et masque un rire léger puis il observe sans se cacher les bras et les contours du démon.

LUKE, à ASEN : « Mon corps n’a plus froid, je te remercie pour ton manteau. Je suppose que toi non plus, tu n’as pas froid. Je serais tenté de t’interroger sur tes méthodes pour t’acclimater à la température, mais mes yeux me donnent suffisamment de réponses. »

LUKE fait un pas en avant, puis s’immobilise. Ses phalanges jouent avec ses mèches rebelles, de nervosité ou d’attention, c’est à ASEN de le déterminer.

LUKE : « Je ne sais décidément pas quoi penser de toi. Il se fait tard, et bientôt, la nuit sera si profonde que l’heure du crime approchera à pas de loup. Qui sait si je serais vivant demain si je reste dehors après minuit ? »

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